La délibération des jurés ...
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les jures au proces de Petain
Les débats sont clos à 21 h 05. Les jurés parlementaires et résistants. Mongibeaux, Donat-Guigue et Picard se retirent dans la salle des délibérations. Pétain rejoint sa femme dans leur chambre près de la salle d'audience; fatigué, il s'étend sur son lit
où il attendra la lecture de l'arrêt. Quand  aura-t-elle lieu ?
Transportons-nous dans la salle de jurés. Au centre, une estrade où siégeront les trois présidents. De part et d'autre, les jurés, à droite les parlementaires, à gauche les résistants. Dans un coin, un buffet a été dressé ( colin froid mayonnaise, fromages, fruits) -afin qu'ils puissent se restaurer pour le cas d'une délibération longue.
Cette délibération, on en connaît tous les détails par les confidences de deux jurés parlementaires, Pétrus Faure et Gabriel Delattre, qui ont décidé de lever le secret sur la dernière phrase du procès de Philippe Pétain, estimant devoir verser leur témoignage à la grande barre de l'Histoire. Une seule question s'est posée au jury : votera-t-il ou non la peine de mort requise par Mornet ? A chacun de répondre selon sa conscience.
Celle de Pétrus Faure est déchirée. Il reste encore sous le coup d'un bref échange de propos avec le procureur général, après
la clôture des débats, Pétrus Faure ayant croisé Mornet dans son bureau. Depuis trois semaines que nous avions des ren-
c
ontres, raconte Pétrus Faure, il s'était établi entre nous des relations de politesse et même de cordialité. Je lui posai la question suivante : « Que pensez-vous sur ce que sera le verdict ? » Il me répondit : «J'ai moi-même demandé la peine de mort, mais vous, il ne faut pas la voter... » Que penser d'un procureur général qui, quelques jours auparavant, avait déclaré à la fin de son réquisitoire « Je demande la peine de mort pour celui qui fut le maréchal Pétain » et qui me demandait, à moi juré, de ne pas la voter ?
A cette première surprise, le président Mongibeaux va en ajouter une seconde. Ouvrant les débats, il déclare :
Messieurs les Jurés, mes assesseurs et moi-même vous demandons : seriez-vous d'accord pour une peine de cinq ans de bannissement ?
Cette demande imprévue et imprévisible suscite une vague de réprobation chez tous les jurés de la Résistance. La presque totalité des jurés repousse la suggestion des trois juges.
Cette parenthèse terminée, cet incident clos. Mongibeaux questionne chaque juré l'un après l'autre : est-il oui ou non partisan de la peine de mort ? Consultés les premiers, les jurés de la Résistance font connaître leur réponse: après eux, les parlementaires. Deux d'entre eux, Gabriel Delattre et Lévy-Alphandery, s'opposent à la peine capitale.
Des bulletins sont alors distribués aux jurés, qui doivent les remplir par un seul mot : « pour » ou « contre » la peine de mort. Leur dépouillement donne quatorze voix « pour » et treize voix « contre » — la peine de mort a été votée à une voix de majorité.
Et c'est alors que se produit la dernière péripétie de la délibération : plusieurs jurés demandent que le jury se prononce, par un second vote, sur un voeu qui pourrait figurer dans l'arrêt, voeu selon lequel la Haute Cour demanderait au chef de l'État une mesure de grâce pour que la peine de mort ne soit pas appliquée. Cette proposition fait l'objet de la même procédure que pour la fixation de la peine : dix-sept jurés sont favorables au vote du voeu demandant la clémence, dix sont contre. Ainsi trois jurés, partisans de la condamnation à mort, estiment qu'elle ne doit pas être exécutée: et ce déplacement de trois voix orientera la rédaction de l'ultime phrase de l'arrêt.
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Le procés Pétain